Le roman s’organise en dix-sept chapitres sur le modèle de la suite de Fibonacci, nous entraînant ainsi dans une sorte de spirale vertueuse, démultipliant les expériences artistiques et spirituelles, faisant des bonds incroyables dans le temps et dans l’espace, ajustant les passerelles entre chaque histoire. Invitation à la méditation sur la relation triangulaire entre l’œuvre, l’artiste ou l’artisan et l’observateur ou spectateur, celui qui fait l’expérience de l’art, relation triangulaire à laquelle s’ajoute une quatrième entité sacrée se fondant avec l’œuvre et transcendant la relation.
Pour chaque œuvre, il y a en effet trois temps, celui de la conception et de la réalisation, qui peut être aussi celui de la rénovation ou celui d’une quête artistique ; celui de la rencontre et de la contemplation avec l’observateur, le spectateur, l’être qui va recevoir volontairement ou non l’œuvre, qui va accueillir ou non l’art ; le temps où l’immanence de l’œuvre et la transcendance de la relation sacrée à l’existence ne font plus qu’une. Pour chaque œuvre, il y a nécessairement un temps de silence et un autre de folie, et tout se passe par le regard, celui propre à l’œuvre générique à toutes celles qui sont dévoilées avec une minutie délicate et curieuse, le regard de l’auteur du roman, auteur divin, omniscient, omniprésent, omnipotent qui offre à ses personnages et à ses lecteurs, à chaque rencontre artistique, la révélation d’une infinie joie ou d’une infinie tristesse.
L’artiste est un démiurge, « il la regarde, il examine sa toute dernière création, après quoi il la range avec précaution à sa place définitive, dans la pochette en soie, sans penser, l’idée ne lui traverse jamais l’esprit, que ses mains ont, au bout d’un bon mois et demi de travail, donné naissance à un monstre, démoniaque » (p.153), l’œuvre « qui fixe un point mystérieux, indécelable, dans le lointain, on la pose ici, on la déplace, on la remet là, et elle, elle se tient, la tête fièrement tournée dans cette mystérieuse direction, elle irradie de toute sa beauté, irradie dans le vide, et personne ne voit, personne ne saisit combien ce spectacle est douloureux, le spectacle d’un dieu qui a perdu son royaume, un dieu puissant, tout-puissant – qui n’a plus rien » (p.307).
Seiobo est descendue sur terre est un merveilleux cadeau d’un auteur à l’écriture numineuse !