Composé d’une dizaine de pages, ce petit texte testamentaire est un point de vue sur l’humanité, sur l’impossible condition humaine vouée au pessimisme. Mélancolie au couteau, le désespoir lancinant de ces quelques lignes ferme une à une toutes les ouverture d’une boîte de Pandore multi-faces.
« Ce que je cherche, ce n’est pas une excuse à ma vie mais exactement le contraire d’une excuse : le pardon. »
L’auteur tente de se débarasser de ce besoin de consolation qui nous tent les bras dès la naissance. Et il n’en va pas autrement, en effet, de l’humanité : sorti du ventre de sa mère, le nouveau-né cherche en tout premier lieu à rassasier ce qu’il vient tout juste de perdre, cette fusion, ce grand Tout universel et protecteur du déplaisir ; et si le sein de la mère comble illusoirement ce manque, il crée aussi un espace hallucinatoire qui invitera l’individu à poursuivre jusqu’à sa mort cette quête du manque sans jamais être rassasié. Car sans le manque, sans cette impossibilité d’être rassasié, nul désir ne peut naître, nul envie de vivre et d’exister.
Stig Dagerman aimerait pouvoir se débarrasser de cette nécessité de l’existence humaine et adresser une ultime requête à l’humanité : le pardon. Celui de ne pouvoir supporter davantage cette contingence.
« Je peux même m’affranchir du pouvoir de la mort. »
Rien ne peut en effet consoler Stig Dagerman dans le seul désir qui le mènera au suicide.
« Avec une joie amère, je désire voir mes maisons tomber en ruine et me voir moi-même enseveli sous la neige de l’oubli. »
La mort comme seul espace d’une liberté, celle des souffrances dont l’auteur ne peut se défaire, cette lente agonie de la vérité.